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"Au revoir Jean"


C' est une épreuve pour moi de te dire au revoir au nom de tous ceux qui sont autour de toi aujourd'hui, comme de tous les camarades absents qui auraient voulu être là. Cependant, j'ai eu une petite consolation : celle d'être à tes côtés pour quelques heures à bavarder, à nous remémorer les quelques meilleurs moments de notre adolescence avant l'issue fartale et aussi de te voir partir sans faiblesse, ni souffrance, avec sérénité et en paix.

Après une courte période dans l'armée, cinq ans de service quand même! Après quelques péripéties, tu as terminé la vie active à la SNCF. Et c'était sur le quai de la gare d'Hanoi un jour de février 1943 que nous nous sommes rencontrés pour la première fois. Nous étions une quinzaine de gamins de 12 à 14 ans à être intégrés à l'école d'Enfants de troupe Eurasiens de Dalat. Après un voyage de 48 heures, avec une halte à Hué, nos camarades du Centre Annam nous ont rejoints. Le changement de locomotive, une découverte pour nous, un train à crémaillères nous a conduits à Dalat où nous avons fait la connaissance des camarades venant du Laos, du Cambodge et de la Cochinchine. De ces anciens, nous sommes plusieurs à être à tes côtés aujourd'hui. C'est dire que notre amitié, transformée en fraternité, a duré plus d'un demi-siècle. De ton passé militaire, tu as préféré l'occulter. Tu n'as pas voulu exposer tes décorations, ni de drap tricolore. Comme tu vois, tes souhaits ont été exaucés. Mais toi comme moi, comme tous tes camarades de cette promotion présents ici, nous ne pourrons oublier ces années d'adolescence oh combien tourmentées.En effet, dès la fin de l'année 1943, suite aux bombardements américains sur Hanoi, notre école a été réquisitionnée pour accueillir les élèves du lycée Albert Sarrault. De Dalat, nous étions dirigés sur Hué pour terminer l'année scolaire; puis de nouveau un long déplacement à Kompong-Cham, au Cambodge. Puis c'était le coup de force de l'armée japonaise le 9 mars 1945. Six longs mois de captivité avec son cortège de privations, de souffrance, d'humiliation, nous attendaient avant d'arriver à Paksé et au plateau des Bolovens au Laos. Dirigés sur Saigon aprèsla capitulation japonaise, nous étion témoins et combien inquiets, angoissés durant les journées révolutionnaires de septembre 1945. Regroupés à Kompong-Cham, nous avons pu retrouver les murs de notre école en septembre 1946 à Dalat. Avec la promotion Marceau, tu as quitté l'école en 1947 et je ne t'ai retrouvé qu'au début des années 90! Les années ont passés, mais notre amitié a demeuré et demeure encore intacte.

Témoins ces scènes de nos retrouvailles à Courcouron, puis à Vogüé où ton enthousiasme, ta bonne humeur, tes "dons" de guérisseur ont fait des merveilles. De notre Jean Dinh du passé, nous avons retrouvé Jean Deprat, "l'oncle Ben's", doté de cette sagesse qui était déjà perceptible durant tesannées d'Enfant de troupe. Nous étions marqués par tes valeurs morales et spirituelles. Tu as créé en Savoie, dans le Rhône, dans le Gard et à Marseille une école : "HOA-LINH BAC-TRU-QUYEN", de l'art martial vietnamien. Avc la complicité d'Annie, ta maison à Betton-Betonet en Savoie était un havre de paix ouvert à tous les camarades, et ton accueil chaleureux, affectueux et souriant de chaque instant nous a touchés plus d'une fois.

J'étais un heureux témoin de l'évolution de l'adolescent que tu étais. Un maître respecté, aimé de tous tes disciples.Ils sont nombreux aujourd'hui à être présents pour te témoigner de leur amour et de leur attachement au maître.Je me rappelle un jour, lors d'une démonstration de ton école, un de tes élèves m'a fait cette confidence : "Mon père m'a donné la vie, mais Jean est mon véritable père spirituel, il a donné un sens à ma vie et aujourd'hui je lui dois d'être ce que je suis".

Jean, tu as su inculquer à tes élèves certaines valeurs morales qui font souvent défaut à une partie de notre jeunesse d'aujourd'hui : le courage, l'effort, l'abnégation, l'amour du prochain et surtout le respect de l'autre. Tu as su transmettre un savoir à tes disciples. Tu n'es plus là, mais ten enseignement continue. Et tu es plus que jamais présent dans leur coeur et dans leur esprit.

Tu me disais un jour : "Nous sommes tous des poussières d'étoiles, oui, nous faisons partie intégrante du Cosmos. Nés d'argile, nous retournerons en poussière, avec cette espérance que la mort n'est pas une fin, mais une étape".

Toi comme moi, nous croyons à celui qui a dit : "Je suis la résurrection et la vie.Celui qui croit en moi aura la vie éternelle".

Je mesure la peine de tes proches, à celle que je ressens, que nous ressontons tous! Je voudrai que vous sachiez, Annie, Solange et toute la famille, que nous sommes de tout coeur avec vous, que cette amitié que nous avions pour Jean, nous l'avons pour vous et qu'elle ne disparaîtra pas avec Jean.

JEAN CE N'EST QU'UN AU REVOIR.

Cette oraison, pronocé par Henri Lipère, était notre dernier contact avec notre regretté ami qu'était Jean Deprat en ce triste jour de janvier.


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